Dernière nouvelle

Première intervention de la saison pour les vignes partagées : samedi 16 mars nous commencerons la taille.
Rendez-vous à 8h30 au Clos

(accès par le Villard de la Côte d'Aime, après l'auberge de Cassiel ; stationnement conseillé à l'entrée du chemin des vignes)
Pensez à vous munir de votre sécateur.

Suite de nos interventions dans les vignes partagées : mercredi 20 mars (RV à 8h30 au Clos comme aujourd'hui).
Nous terminerons la taille (et les piquets) de la vigne de Lucie, puis nous nous occuperons de celles de Michel et Patricia (en fonction du nombre de participants).
A bientôt dans les vignes,

Sa vie son oeuvre


PERRIER DE LA BATHIE

1825-1916

grand botaniste savoyard


Le baron Eugène Perrier de la Bathie, grand botaniste savoyard, est né en 1825, il s’est éteint en 1916, il a donc traversé toute l’histoire de la deuxième moitié du XIX° siècle. André Roth a rassemblé en 2004 dans un dossier les divers documents parus de son vivant et les biographies dues à ses petits enfants, communications de divers scientifiques, communication de J.Offner, récit de R.Benoit, conférence de R.Fritsch. Il s’agit d’établir une synthèse des divers documents rassemblés par A.Roth.

ORIGINE

Perrier de la Bathie est issu d’une vieille famille savoyarde de la vallée du Doron de Beaufort (Villard) qui acheta en 1628 des propriétés à Conflans et en 1776 la seigneurie de La Bathie, elle fut alors anoblie par le duc de Savoie. Après la révolution, elle acquit le Château Rouge comme maison familiale.

Le père d’Eugène fait partie de la Grande Armée de Napoléon (la Savoie est alors française), il participe à la bataille d’Eylau (1807), y est gravement blessé et revient à Conflans. Il se marie en 1824 et 12 enfants sont issus de ce mariage, Eugène en est l’aîné.


JEUNESSE ET ETUDES

Eugène naît le 9 juin 1825

Ses études se déroulent au Collège Royal et au Collège Saint Louis du Mont. Il a Huguenin comme professeur de botanique et se lie avec des botanistes locaux Bonjean Annenay, les abbés Billiet, Chevallier et Pujet, mais surtout avec André Songeon qui fut son ami et collaborateur la plus grande partie de sa vie.

Puis il entreprend en 1849 des études médicales à Turin , la capitale. Il n’y manifeste guère d’enthousiasme avec, en particulier, un rejet des séances d’anatomie (odeur des cadavres non traités) et aussi, comme il l’écrit à son père « l’air mou de Turin me fatigue extraordinairement ». Son père lui ayant proposé de revenir à la maison pour l’aider dans l’administration des biens de famille, il revient à Conflans en 1851. A Turin, son intérêt pour la botanique s’amplifie et il se lie à E.Rostan. Celui-ci surnomme Eugène « le lézard » pour son aptitude à se déplacer en milieu rocheux. Par la suite Rostan consacre ses recherches à la botanique des Alpes cottiennes. En 1852, son père meurt, comme Eugène est l’aîné de la famille, il hérite des propriétés et doit consacrer son temps à l’administration des biens. En 1859 il se marie avec Hélène Bérard-Blais, sa cousine de Moûtiers. Il en eut 10 enfants. On peut alors distinguer dans sa vie 3 aspects: l’homme politique, l’agronome, le botaniste.


L’ HOMME POLITIQUE

Baron et propriétaire terrien, il appartient à l’aristocratie.

En 1859 et 1860, il participe à la campagne du référendum en faveur du rattachement de la Savoie à la France, Ses chiens portent des pancartes favorables et s’opposent à ceux du Comte de Manuel, opposant. Cette position est contraire à celle de la majorité des libéraux et aristocrates qui prônaient la maintien de la Savoie dans le royaume sarde

Conseiller municipal de la ville d’Albertville et premier adjoint de 1860 à 1874, il défend les intérêts de Conflans vis-à-vis d’Albertville.

En 1876, il est candidat aux élections législatives avec comme devise « Religion-Ordre et Patrie » qu’il faut bien replacer dans le monde politique de l’époque, Troisième république naissante et conservatisme ambiant avec retour à la royauté. Il n’est pas élu .C’est peut être un signe de l’évolution des idées.


L’AGRONOME

En 1852, rentré à Conflans, Perrier s’occupe principalement de la gestion des propriétés familiales. Elles étaient alors confiées à des fermiers et des métayers.

En 1869, il prend directement leur administration. Il rationalise leur exploitation. Il dispose les vignes sur le coteau avec remplacement des plus vieilles et installation de ceps améliorés.. La plaine est consacrée aux cultures qu’il réserve à la production de plantes et de semences avec sélection des variétés anciennes locales. Pour l’élevage des bovins il installe une vacherie modèle avec plateforme à fumier. Il emploie les déjections de la maison centrale mélangées aux sarments hachés. Il fait ainsi évoluer considérablement les méthodes agronomiques restées très archaïques à l’époque.

En 1875, il est nommé professeur d’agriculture à l’Ecole Normale d’Albertville et s’applique à instaurer de nouvelles techniques. C’est dans la viticulture qu’il obtient de grands résultats en coopération avec P.Tochon, président de la société centrale d’agriculture de la Savoie. La vigne tient en effet une grande place dans le monde agricole savoyard, elle s’étendait sur 18 000 ha en 1860. Mais dans les années 70, la vigne subit de graves dégâts dus à son invasion par le phylloxera, puceron suceur de sève provenant d’une introduction de pieds américains infestés dans le Gard et s’étendant ensuite à toute la France viticole. Se multipliant par parthénogenèse avec plusieurs générations durant la belle saison, ce puceron peut envahir rapidement les vignes, sucer la sève des parties aériennes mais surtout les racines provoquant ainsi un épuisement complet des pieds en 3 ans. Divers traitements chimiques furent appliqués sans succès. Les ravages furent considérables, les vignes savoyardes furent totalement dévastées. La solution fut trouvée quand on s’aperçut que les ceps d’origine américaine survivaient, le phylloxéra ne se nourrissant que dans parties aériennes, laissant de côté l’appareil racinaire. La greffe de la partie aérienne d’un cep français sur un porte greffe, appareil racinaire principalement apportait la solution. Perrier de la Bathie et Tochon en furent les plus notables et zélés partisans et on peut les considérer comme les plus grands artisans du sauvetage des vignes de la région. Cette technique a même donné lieu dans le secteur Frèterive - Saint Jean de la Porte à un artisanat de la greffe très prospère qui délivrait des pieds de vigne ainsi greffés dans toute la France et à l’étranger. D’un artisanat familial, l’opération manuelle est passée récemment à un stade semi industriel.

Contre les champignons parasites de la vigne, Perrier et Tochon préconisèrent le soufre (oïdium) et le cuivre (mildiou) les vignes de Conflans servant de terrain d’expérience. Il publia en 1886 une note d’une remarquable précision sur le « mildew » dans le Courrier des Alpes. Ce « champignon microscopique » faisait des ravages dans le vignoble de Savoie depuis 1878 (signalons qu’il était classé autrefois dans les Oomycètes, groupe des Phycomycètes qui ne font plus partie des champignons mais doivent être rattachés à la lignée des Algues brunes dans la classification moderne du vivant). Il fournit le résultat de ses recherches « épidémiologiques » pour les appliquer aux traitements par le sulfate de cuivre. Il s’intéressa également à la flore mellifère de Savoie

L’apport de Perrier de la Bathie dans le domaine agronomique fut donc très important.


LE BOTANISTE

La vocation de Perrier de la Bathie pour la botanique fut très précoce, elle se manifesta dès le collège et elle trouva son plein épanouissement lors des études médicales de Turin. Elle se transforma dans son activité principale jusqu’à la fin de sa vie. Et pourtant, il fallait être très fortement passionné pour s’intéresser comme lui à la flore savoyarde, car dans les conditions de cette deuxième moitié du XIX° siècle et habitant Conflans, il a rencontré de très grandes difficultés à réaliser cette passion. Il n’existait pas de flore descriptive complète pour cette région ce qui pour un débutant est un obstacle important. Conflans est éloigné des villes universitaires, rien à Chambéry et Lyon, Grenoble, Genève sont difficile à atteindre, donc loin des bibliothèques scientifiques et des herbiers servant à de très utiles comparaisons. Les relations sont difficiles, le courrier lent, les transport par diligences pour les échanges de plantes, parfois par caisses entières. Néanmoins Perrier s’entoure d’un réseau de spécialistes, Jordan à Lyon, Reuter, au Conservatoire de Genève, Rostan à Pignerol et surtout il obtient une collaboration très précieuse en la personne d’André Songeon. L’exploration de la Savoie présentait également des difficultés : les déplacements s’effectuaient uniquement en fond de vallée par diligence, il fallait alors se rendre à pied dans une auberge pour l’hébergement et le départ le lendemain matin pour parcourir les régions d’altitude. Ces difficultés expliquent l’absence de renseignements précis pour certains secteurs compensée cependant par les apports des correspondants. Rentré à Conflans, il faut étudier les différents échantillons, les déterminer, les faire sécher pour les mettre en herbier, celui de Perrier a rassemblé plus de 25 000 échantillons,il a été légué à l’Université de Genève.

Ses recherches sur la flore savoyarde dans son intégralité mises à part, il s’attacha à l’étude de quelques espèces particulières qu’il découvrit :

La première en date (1853) est Annogramma leptophylla, petite fougère des rochers humides qu’il trouve à la source du Péchu, près de Conflans. C’est alors la seule station en France continentale,car elle est très abondante en Corse ainsi que dans les régions tropicales.

En 1854, il découvre en terrain calcaire une gentiane acaule différente de celle décrite par Linné : ses feuilles sont plus coriaces, plus aiguës et les fleurs sans taches vertes à l’entrée du tube de la corolle. Perrier et Songeon la dénomme gentiane de Clusius et l’ancienne gentiane acaule, gentiane de Koch qui pousse plutôt sur terrains acides. D’autres gentianes acaules furent découvertes par Villars : gentiane alpine et gentiane à feuilles aiguës. Perrier est donc à l’origine de la distinction des différentes gentianes acaules.

En 1877, c’est dans le vallon de la Rozière de Courchevel qu’il trouve l’hormin des Pyrénées, seule station des Alpes entre le Tessin et les Pyrénées.

On pourrait citer de nombreuses découvertes (Iris de Perrier, crepis de Rhétie par exemple) tout en signalant le grand intérêt que Perrier portait aux découvertes des autres comme la linnée boréale. Mais c’est aux tulipes indigènes qu’il consacra beaucoup de son temps, car la Savoie pouvait s’enorgueillir d’en posséder une dizaine d’espèces (16 espèces pour l’ensemble de la France). Il en fit la description dans une publication de 1894 et avec l’aide de Songeon en a dressé la diagnose pour 3 espèces : tulipes d’Aime, tulipe de Marjollet, en Tarentaise, tulipe des sarrasins en Maurienne. A partir des bulbes, il les mit en culture dans son jardin de Conflans, en assura la multiplication ce qui permit leur mise en vente.

 

Malgré tout l’intérêt que peuvent présenter ces découvertes d’espèces, elles présentent une moindre importance scientifique par rapport à l’œuvre magistrale que représente la réalisation du « Catalogue raisonné des plantes vasculaires de Savoie : départements de la Savoie et de la Haute Savoie, Plateau du Mont Cenis » dont le premier tome paraît après sa mort en 1917 et le deuxième en 1928.Dès l’âge de trente ans, Perrier manifeste le désir de fournir un catalogue complet de la flore savoyarde avec l’aide de son ami Songeon et de tout collaborateur éventuel. Agé de 80 ans, il faillit renoncer à terminer ce travail gigantesque à la suite du décès de Songeon, il continua néanmoins à rédiger ce catalogue et ceci malgré son état de santé. Aidé par quelques amis dans la correction des épreuves, il meurt en 1916 avant la parution du premier volume. Cette œuvre de plus de 800 pages est d’un très grand intérêt car en plus de fournir une liste presque intégrale des espèces savoyardes, elle fourmille de renseignements sur leur nomenclature, leurs localités strictement vérifiées et leur situation géographique. La Savoie est divisée en différents territoires, façade occidentale comprenant le Jura méridional, Chablais, Bauges, Chartreuse à prédominance calcaire, région granitique correspondant aux massifs cristallins externes et région Sud orientale très diversifiée. Perrier est donc un précurseur dans la recherche des liens existants entre les plantes et leur localisation, c’est un précurseur de la phytogéographie. Ce catalogue constitue un précieux outil de travail pour tout botaniste s’investissant à l’heure actuelle dans l’étude de la flore de la Savoie et ceci 100 ans après sa rédaction.

Ce grand scientifique, le premier parmi les botanistes savoyards n’en était pas moins « affable, érudit, modeste…l’exemple d’un gentilhomme accompli, fidèle à son devoir jusqu’à la dernière minute de sa vaillante vieillesse » (Beauverd, notice nécrologique).

 

Origine des documents utilisés

A.ROTH 2004.Le Baron Eugène Perrier de la Bathie. Dossier polycopié.

E. PERRIER DE LA BATHIE et P.TOCHON. 1878. Les insectes et les autres maladies nuisibles à la vigne. Conférence.

O.OFFNER 1916. Eugène Perrier de la Bathie (1825-1916), communication à la Société d’histoire naturelle de Savoie.

M.PERRIER DE LA BATHIE (petit fils). Biographie.

J.RESLER .(petit fils).1937 Biographie.

F.PLAGNIAT (petit fils) 1970. Biographie (en Savoie)

R.BENOIST (ancien président de la Société d’histoire naturelle de Savoie) 1966. Biographie.

R.FRITSCH (ancien président de la Société d’histoire naturelle de Savoie) 1992. Journées Perrier de la Bathie : sa méthode et son œuvre.

P. Gensac